Strahlhorn (4190m)
Guillaume me propose de faire un « petit 4’000 » les 2. Une proposition romantique qui ne se refuse pas ! Sauf que bon, j’ai accouché il y a 7 mois. Tout ça peut paraître anecdotique, mais pour celles qui sont passées par là, elles se rappellent toutes avec émotion de ce moment où, juste avant d’accoucher, tout paraît insurmontable. Lacer ses chaussures relève du contorsionniste. Se lever du lit nous prend 1heure. Trouver des toilettes est une quête perpetuelle. Bref. Puis il y a l’accouchement. (je vais sensurer cete partie-là. Faut pas déconner non plus). Et les jours, semaines qui suivent, tout est à réapprendre. Je me rappelle de cette petite montée que je devais faire avec la poussette, et qui me paraissait insurmontable. De ce tour de la Dent de Jaman fait un mois après l’accouchement, et des courbatures le lendemain.
Alors un 4’000 ? Sérieusement ? A ski ?
Et puis bon. La nature est bien foutue ; petit à petit, j’ai retrouvé le souffle, la forme. Je me suis inspirée de récits de mamans qui se sont remis au sport, notamment la guide Caroline Georges, qui est juste impressionnante et qui sait concilier alpinisme et vie de maman.
De balades en poussettes, je suis passée aux balades en montagne, au jogging, au ski de rando. Mon objectif, c’était la Pointe de Vouasson et ses 1600m de dénivelés. Ça n’a pas été simple. Ça a même été long, mais j’y suis arrivée !
Alors pourquoi pas le Strahlhorn, finalement ! Honnêtement j’espère qu’il va faire moche et que la course sera annulée (oui. Je sais. Rho bon. J’ai le droit d’être lâche non ?). Et non. Grand beau, ciel bleu, pas un nuage. Nous partons donc pour Saas Fee. On s’arrête quand même manger un burger au Rothis, parce qu’il faut toujours du réconfort avant l’effort.
Arrivés à Saas Fee le dimanche donc, dernier jour d’ouverture des pistes. Le village est mort, c’est assez surréaliste. Il n’y a quasiment personne. Nous prenons les installations et sommes propulsés à 3000m. De là, on met les peaux sous un soleil de plomb pour aller à la cabane sur une sorte de chemin damé et plutôt plat. En 30 minutes nous sommes à la cabane. A peine arrivés, nous croisons Jérémie et Anne-Sylvie, deux amis, qui ont fait le Strahlhorn à la journée. Wow, je suis impressionnée. Et je les envie : ils vont dormir dans leur lit cette nuit alors que nous… Enfin bon. Toute bonne chose se mérite, il paraît.
La Brittania Hütte est plutôt sympa, spacieuse, avec toilettes, duvets et tout et tout. On se met à table, on parie sur le traditionnel combo soupe-rôti de porc-riz. Bingo. Mais c’est pas si pire. En face de nous, il y a un guide suisse-allemand avec 2 clients. Avec sa petite moustache et sa polaire Guide de Saas Fee. Avec Guillaume, on essaie de lui trouver un prénom. Je propose Hans. Ça lui va plutôt bien, Hans.
On va au lit et je dois dire que ce moment-là ne m’avait pas manqué. Les nuits en cabanes, c’est un peu ma hantise. Je prie pour qu’il n’y ait pas de ronfleur dans la pièce. On est 7. Et au bout de 20 minutes, il y en a un qui se met à ronfler. Vous avez remarqué ? Les ronfleurs sont toujours ceux qui s’endorment en premier, et ceux qui dorment toute la nuit. Ça devrait pas être permis, franchement.
Après cette nuit sereine, reposante et mélodieuse, réveil à 5h15 pour un petit-déj (avec du Nutella. Amen.). Hans et sa moustache mange un birchermüesli en 2 minutes et part aussitôt avec ses clients. On lui emboîte le pas. Il commence à faire jour quand nous sortons de la cabane, vers 5h45.
De la cabane, il y a une descente à faire d’environ 100m, c’est tout gelé et pour la piètre skieuse que je suis, assez sport. Ce serait dommage que je me brise une jambe 3 minutes après le départ…
On arrive au replat, de là on met nos peaux. Hans, sa moustache et ses clients sont devant, et au loin (très, très loin), le Strahlhorn. Débute une longue traversée du glacier ; on longe d’abord l’Alalhin, puis le Rimpfishorn. C’est long. Et plat. Mais c’est beau. Le soleil se lève, les montagnes s’empourprent, les tons pastel se succèdent.
Hans ouvre la voie, on le suit. Les autres alpinistes sont loin derrière. Gentiment, nous attaquons la montée du col. Ça commence à monter un peu plus. Un coup d’œil en arrière, la cabane me semble loin, très loin ! Puis vient le moment où il faut s’encorder pour passer par-dessus une crevasse. On ne traîne pas, on accélère le pas. Hans continue son ascension et nous le suivons. Guillaume me fait remarquer que les traces vont plutôt sur la gauche que vers la corniche, mais bon, qui remettrait les compétences de Hans, après tout c’est un guide de Saas-Fee et il connaît mieux cette montagne que nous.
N’empêche, on les voit qui commencent à galérer. On hésite… Mais on les suit. Au moment où on se rend compte que nous avons fait un choix de merde, il est déjà trop tard. Guillaume me propose de redescendre un bout pour reprendre l’autre trace. D’ailleurs, les cordées derrière nous empruntent l’autre itinéraire et doivent bien se marrer à nous voir galérer.
Je n’ose pas rebrousser chemin et propose à Guillaume de continuer, après tout on est déjà engagé. Ça devient carrément sport quand on rejoint la corniche : le vent est très fort, il fait hyper froid et il faut enlever les skis. Bien sûr, Guillaume n’a pas un sac lui permettant d’attacher ses skis, il les prend donc d’une main, et de l’autre il tient la corde et le piolet. Moi je commence à bien flipper et je propose même à Guillaume de redescendre et de laisser tomber.
Mais non, on continue. Par contre la neige devient vraiment une grosse plaque de glace, on décide donc de mettre nos crampons. Les doigts sont glacés, le vent ne se calme pas… et on est super instables. Mais bon. On fait gaffe, on met une vis à glace pour s’assurer et on met nos foutus crampons. Quelques mètres plus loin, on les enlève et on peut enfin remettre nos skis.
Quel temps perdu ! Tous les autres alpinistes sont déjà devant. Enfin bon. J’en profite pour regarder le panorama et me rends compte à quel point c’est beau ici ! Un panorama à 360 degrés. Le Cervin droit devant, la Dent Blanche, le Weisshorn, Zinalrothorn… Lyskamm, pointe Dufour… la liste est interminable et on ne s’en lasse pas.
Mais nous ne sommes pas encore au sommet. C’est donc reparti, je commence à fatiguer et à me trainer méchamment. Enfin, nous voyons la croix. Nous déposons nos skis et faisons les derniers mètres à pied. A nouveau, petite extase quant au panorama. Un ciel bleu, pas un nuage, le vent s’est calmé, il fait super bon. C’est indécent, presque, tellement c’est parfait !
Mais la route jusqu’à la voiture est encore longue et nous décidons de ne pas trop tarder. En remettant nos peaux, un groupe de français dit qu’ils feront une pause une fois qu’ils auront perdu de l’altitude. Bon en même temps on n’est pas à 8’000 non plus… ils me font rire.
Comme il a neigé un peu la veille, il y a une petite couche de poudreuse, c’est juste parfait. La descente est hyper agréable, on n’a pas l’impression d’être à 8’000m – heu pardon, 4’000.
Et c’est lors de la descente qu’on se rend compte de la distance parcourue. Il y a vraiment des gens qui font ce sommet en été ? ça doit être interminable ! Pour atteindre la cabane, il reste ces 100m à remonter, sous un soleil de plomb. Il est midi environ et ça cogne. Mais comme dit ce brave Mike Horn, chaque pas te rapproche de la maison.
Nous ne nos arrêtons pas à la cabane et nous dépêchons de regagner les pistes. Il y a ce long faux-plat à faire jusqu’au début des pistes, et si à l’aller on avait trouvé que c’était court, là ça devient interminable.
Enfin sur les pistes, qu’on a pour nous, puisque la saison de ski s’est terminée la veille. En plus, les pistes sont damées, bref, c’est la classe totale. Tout un domaine skiable que pour nous 2 !
Arrivés à Saas-Fee, on est heureux. De ce sommet (le 20e pour moi, youpi), de ce moment passé les 2, de ces conditions de malade qu’on a eues, de retrouver notre petit crapaud aussi.
Merci à Guillaume, qui a été un super guide. Merci à Hans, qui a donné un petit côté technique à la course malgré lui. Et merci aux montagnes, vous m’avez manquées et je suis heureuse de vous retrouver !
Elise
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