Becs Noirs – arête N
Pour cette nouvelle journée en montagne, nous avions un seul critère de sélection : une course qui nous permette de tenir l’horaire Vevey départ 8h retour 17h. ça restreint pas mal mine de rien, mais Guillaume l’infatigable brainstormer me propose la veille l’arête N des Becs Noirs, vers le Grand St-Bernard. J’aime bien cette région, on y était déjà allés pour la Drônalette (là aussi une jolie petite course qui se fait même à la demi-journée) et c’est donc en lisant à peine le topo que je lance mes fameux « ok », de ceux qu’il m’arrive parfois de regretter (un peu).
J’avais lu qu’il y a 5 longueurs, puis que c’est une arête jusqu’au sommet. Cool, j’aime bien les arêtes. Il fait beau, on se parque un peu sous le col et on essaie de ne pas perdre de temps ; les sacs sont vite préparés et on débute l’approche vers 9h15. Selon le topo, 45 minutes d’approche. Cool, en plus c’est court. Oui alors c’est peut-être le cas quand le sol n’est pas détrempé, que les pierres et talus ne se transforment pas en patinoire, mais là moi je galère grave. Je suis trempée, j’ai l’impression d’être Lara Croft (en moins sexy) dans la jungle. Il n’y a bien vite plus du tout de « légère sente » et on longe les Becs Noirs un peu comme on peut en poursuivant les cairns.
On arrive bientôt à un replat, le temps de dire bonjour aux vaches qui nous regardent d’un air dubitatif, et on poursuit l’approche. J’aurais continué le chemin mais Guillaume a repéré un cairn plus bas, on redescend donc (ce que, selon les comptes-rendus, beaucoup de gens zappent) et on arrive en fin au pied de la voie. Il est 10h15, on a déjà 30 minutes de retard sur le topo. Mince alors. Moi qui croyais que Lara Croft était rapide.
Guillaume me propose de faire la premère longueur avec mes chaussons. Ça a l’air tout détrempé, mais en chaussons ce 5a ça ira nickel selon lui ; « pis faut que tu te bouges un peu hein et que tu commences à aller en tête ». Alors si, pédagogiquement, je lui accorde ce concept, dans les faits c’est autre chose. Ça glisse à mort, chausson ou pas, et après une dégaine et un bref calcul du temps que je mettrais à aller au relais, on décide qu’il passe en tête en grosses (chaussures).
Bon ça me rassure car même lui il galère dans ces longueurs mouillées. Je comprends mieux maintenant pourquoi ils disaient qu’il faut attendre 1 jour après des pluies…
Je le rejoins non sans peine. Une cordée arrive au pied de la voie. Nous on continue. C’est assez déstabilisant par endroit car il y a du lichen (mouillé, évidemment) et je ne suis pas mécontente d’avoir encore mes chaussons. Encore 2 longueurs dans le 4 et le 5, ça va un peu mieux qu’au début ; ce n’est pas de la grande grimpe mais bon c’est sympa.
A midi nous avons fini les longueurs, cool me dis-je naïvement, encore un petit bout d’arête et on sera au sommet. Oui mais alors non en fait. Même pas du tout. Vous connaissez ce syndrome du « ah ça doit être juste derrière le sommet » ? Ben j’ai dû me dire cette phrase au moins 10x. Avec à chaque fois la grande désillusion et le terrible constat : on n’est pas rendus !
Après les longueurs vient un replat herbeux qu’on traverse rapidement pour rejoindre le pied de la paroi peu inclinée mais dalleuse. On avance désormais en corde tendue pour gagner du temps et le terrain s’y prête bien. J’ai remis mes grosses et j’essaie de me lobotimiser le cerveau pour le convaincre que mes pieds tiennent sur ces petites réglettes. Ça fonctionne.
Du premier sommet qu’on gagne facilement, on voit un autre sommet. « c’est celui-là » me disent mes 2 neurones « pas si sûr », me répond mon éclair de lucidité. Et Guillaume qui n’arrête pas de me dire « faut qu’on avance si on veut tenir l’horaire ».
Et il a bien raison de me le répéter ; on a beau avancer aussi vite que possible quasi tout le long en corde tendue, j’ai ce syndrome typique des montées en cabane du « plus j’avance plus la cabane (en l’occurrence le sommet) me paraît loin.
L’arête n’est jamais difficile, évidemment il faut toujours être concentré, car même si ce n’est pas très gazeux ou raide, mieux vaut ne pas faire une chute pour rouler-bouler jusqu’à la route.
Il fait super chaud, je rêve d’enlever ma polaire et de boire du Rivella, mais je sais qu’on doit avancer si on veut être à la voiture à 16h…
J’espère que le prochain sommet est le bon. J’y arrive, je rejoins Guillaume et lui dis « on y est ? » et là le couperet tombe : « T’es malade ? Pas du tout, c’est là-bas ». Filez-moi un xanax. Appelez l’hélico. Dites-moi que tout ça est un complot.
J’essaie de prendre sur moi et de me convaincre qu’on va vite avancer sur cette arête. Après tout, ce n’est pas dur, et on a l’habitude d’évoluer sur ce terrain. Le topo mentionnait 3 à 5h de course, je me dis qu’on peut le faire. Guillaume trouve le cheminement avec une aisance déconcertante, et j’essaie de le suivre du mieux que je peux. La cordée qui était juste derrière nous est très loin derrière maintenant, faut croire qu’on est pas les plus lents du monde, ça fait du bien à mon égo.
On avance lentement mais sûrement ; maintenant le « vrai » sommet est droit devant, je sais que c’est lui et je m’active pour y arriver. C’est plus de la marche que de la grimpe sur la fin…
On y arrive enfin, après 4h depuis le début de la voie. Pas si pire. On décide de continuer jusqu’au col et de faire une pause là-bas. Une désescalade facile nous y amène. On n’échappe pas à la tradition orgasmique du « rivella post-effort », on range le matériel, et on descend à la voiture par des sentes herbeuses pète-genoux. Toujours plus agréable que dans la caillasse mais quand même, pénible (c’est une descente, toutes les descentes sont par définition pénibles).
Le mot de la fin ? Une course sympa mais pas extraordinaire. Oui le cadre est joli, oui ça reste une arête longue, mais la grimpe n’est pas incroyable et l’ambiance pas majeure. Est-ce que je deviendrais pénible ou trop gâtée ? C’est probable. Ce sentiment est peut-être aussi lié au fait que je pensais que ce serait une course toute courte ; c’était clairement pas le cas. Mais au final une jolie journée, au soleil, sur du caillou valaisan, et en amoureux. Lara Croft n’aurait pas rêvé mieux.
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