Jegihorn – Alpendurst
Il faut bien l’avouer : la région de Saas-Grund regorge de trésors. Que ce soit son arête Sud du Lagginhorn ou son arête Nord du Weissmies… C’est un coin que j’aime beaucoup, et l’approche en télécabine n’y est sans doute pas étrangère !
On avait fait le Jegihorn par son arête Sud. J’en garde un super souvenir, et comme j’ai envie d’une reprise en douceur, avec un peu de grimpe, une course à la journée et un joli cadre, notre choix se porte sur la voie Alpendurst. 14 longueurs dans le 4 pour atteindre le sommet.
On arrive à Saas-Grund le soir d’avant, on dort dans le van (après s’être envoyé un filet de bœuf et une bouteille de rouge – faut ce qu’il faut) et on prend le téléphérique vers 8h, pour la station intermédiaire Kreuzboden.
Je viens de relire mon récit sur l’arête Sud, où je me plaignais déjà de canicule… Hé bien “ à l’époque” (j’ai l’impression d’être un dinosaure en disant ça), il y avait encore un gros névé à remonter… Aujourd’hui, pas un gramme de neige. Les montagnes sont meurtries, la nature souffre, ce réchauffement climatique est une vraie angoisse… Et je ne vais même pas parler des glaciers qui fondent plus vite que leur ombre. Effrayant. Je ne fais de la montagne que depuis une dizaine d’années, mais de les voir s’assécher ausi si vite, c’est vraiment, vraiment craignos. (je reprends mon récit sinon vous allez tous prendre un xanax et moi aussi).
On démarre l’approche vers 8h, Guillaume m’a briefée la veille : Tu bouges ton cul (ah. le romantisme. Tout ça). J’essaie donc avec plus ou moins de conviction de marcher à un rythme régulier, avec comble du luxe, une bonne partie à l’ombre et des bébés marmottes qui nous font coucou, si bien qu’en 1h nous nous retrouvons au pied de la voie. (je dis ça comme si ça avait été facile hein mais en vrai je hais les approches, c’est toujours beaucoup trop long et chiant).
Une cordée se prépare, et la seconde de cordée enfile ses chaussons. Moi j’hésite à en faire autant, mais je me dis que 14 longueurs en chaussons, c’est un peu la définition même de la torture des temps modernes. Je vais laisser mes chaussures d’approche. Guillaume s’élance dans la première longueur. Je lui emboîte le pas sitôt qu’il arrive au relais, après une courte longueur. Je m’élance donc – enfin non, élancer, ça a une connotation de grâce et d’aisance, et c’est tout le contraire : je galère, mais je galère dans un pas…
Faut dire que j’ai jamais grimpé avec ces chaussures, et cette longueur me prend à froid. Pour bien enfoncer le clou, 2 personnes viennent d’arriver au pied de la voie, et le type me regarde en devant se dire “mais quel boulet celle-ci, je vais quand même pas me la coltiner durant 14 longueurs”. Je sens la corde qui me tracte vers le haut – sans doute le désespoir de Guillaume qui doit vouloir me hisser, tel un sac à patate, jusqu’au relais. Je respire un bon coup et je passe ce satané pas. Je rejoins le cher et tendre, qui se censure mais me balance tout de même un “mais bordel t’as foutu quoi? Tu veux mettre tes chaussons pour la suite?”
J’hésite. Mais ce serait quand même un échec, et mes pieds n’ont pas du tout envie… Alors je lui dis que non, ça va le faire. Et effectivement, passé cette première longueur, ça le fait!
L’escalade est super plaisante, le rocher très chouette, avec cette couleur ocre et rouge si caractéristique… Certes, il faut tester les prises (2-3 feuilles branlantes), mais c’est globalement super chouette d’évoluer ici et je suis méga contente d’être là avec Guillaume. Chaque longueur est différente, il y a des dièdres, des parties plus grimpantes, et grimper en grosses est un très bon exercice. Je vois la cordée de derrière, la fille a elle aussi mis ses chaussons et elle les enlève à chaque relais… ça me conforte dans mon choix.
Je ne compte pas les longueurs – j’aurais eu trop peur que ça me plombe le moral – mais on avance bien je crois, en tout cas on est pas embêté par la cordée du dessous et celle du dessus. Dans notre dos, la superbe arête N du Weissmies qui s’impose, quel cadre de ouf et quel merveilleux souvenir !
La dernière partie se redresse. Mais il y a toujours de bonnes prises, c’est vraiment un régal cette face. J’ai hâte du Rivella au sommet, de me poser à la croix et de contempler le paysage…
Après moins de 4h de grimpe, c’est la dernière longueur ! Guillaume me dit de le rejoindre – et quand j’arrive à la croix, il y a au moins 15 anglais qui viennent de faire la via ferrata. Ça cause fort, ça bouffe des trucs qui sentent fort, bref, ça ne donne pas du tout envie de m’éterniser… Je bois quand même quelques gorgées de Rivella (bah ouais faut pas déconner non plus!) et on file pour une descente de 1h30 qui nous ramène au pied des télécabines.
Bain de pied au lac (en contemplant de manière totalement attérée deux bimbos en string qui frôlent l’hypothermie pour quelques likes sur instagram…), bière et gâteau, avant de redescendre à la voiture avec les installations.
Si l’arête Sud avait un côté plus “alpin”, cette voie est très sympa au niveau de la grimpe, et elle permet de s’entraîner à grimper en chaussures de montagne. Et c’est une course qui se fait à la journée – ça c’est toujours un plus !
Merci Guillaume pour avoir tout fait en tête, pour ta patience, pour n’avoir pas trop gueulé, et vive les prochaines sorties !
Infos et topo
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Topo : https://www.camptocamp.org/routes/57011/fr/jegihorn-alpendurst
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