Besso – arête SW
Ah le Besso ! C’est peu dire si ce sommet si emblématique du Val d’Annivers était sur notre to do list depuis un bout de temps. On avait dû rebrousser chemin il y a quelques années, un peu avant la cabane, pour cause de soucis de santé de Guillaume. Il y avait donc une petite revanche à prendre…
Guillaume est super motivé, moi un peu moins; j’ai un peu été douchée par mon niveau médiocre à la Jegigrat et la perspective d’une nuit en montagne me réjouit moyennement.
Toujours vérifier sa batterie de vélo
Mais (ya toujours des mais dans mon cerveau, je ne suis qu’un tas de paradoxes), c’est un peu le dernier créneau possible pour nous, j’ai trop envie de retourner à la Cabane du Grand Montet, et ça me dit quand même bien d’aller sur ce Besso, que j’ai souvent peint en aquarelle. On trouve donc un compromis : ok pour le Besso, mais sans la traversée sur Moming, qui rallongerait passablement la course.
On part donc du Plat de la Lé, où on a la brillante idée de prendre les vélos électriques. Guillaume me répète plusieurs fois “t’as bien chargé les batteries?”
“oui oui t’inquiète”
‘T’es sûre?”
“Mais oui fais-moi confiance”
Sauf qu’Elise le boulet décide de démarrer cette course en fanfare, avec une batterie à l’agonie. Heureusement celle de Guillaume est pleine, il me tracte donc, on bricole une petite sangle et on est quasi pneu à pneu, mais on gagne de précieux kilomètres et 300m de dénivelés, c’est déjà ça de pris.
On démarre la montée sous le soleil, et Guillaume la fusée me devance rapidement. Je vais à mon rythme, je cueille des myrtilles en route, et j’en prends plein les yeux quand j’aperçois la face N de l’Obergabelhorn, la Dent Blanche, le Zinalrothorn.
La plus jolie cabane de l’univers
L’arrivée à la cabane c’est un peu la consécration, et je lui décerne le prix de plus belle cabane du monde. Il y a 15 ans d’ailleurs, c’est ici même que j’étais tombée d’amour pour les montagnes, et, qu’à la vue d’alpinistes redescendant des sommets, Guillaume m’avait sorti le fameux “ça te dirait pas qu’on fasse une initiation à l’alpinisme un jour?”.
Que de chemin parcouru depuis cette phrase, d’arêtes, d’approches, de nuits en cabane, de boule au ventre, de joie intense.
J’ai pris mon petit carnet d’aquarelle dans mon sac et j’en profite pour faire une petite peinture, en dégustant une super tarte. Cette cabane, c’est le paradis, en plus ce soir elle n’est pas remplie. On y est accueilli chaleureusement, et on nous sert un bœuf bourguignon qui restera dans mon top des bouffes de cabanes (et vous savez à quel point je suis chiante niveau bouffe!). Le coucher de soleil est d’anthologie et me fait presque oublier mon flippe pour la course du lendemain.
On est les seuls à partir au Besso demain, sauf une autre cordée qui fera la traversée et partira une heure avant nous. A 5h, on est les seuls à prendre le petit-déj (un muesli hyper bon. Non mais vraiment quelle classe cette cabane) et on part à 5h30, à la frontale, sous un ciel étoilé et avec la lune qui fait ressortir la face N de l’Ober. Que c’est beau.
On suit d’abord le chemin, avant de remonter la moraine puis un pierrier. J’essaie de tenir le rythme, et la montée est efficace; le sol est bien gelé et tient sous nos pieds. Guillaume trouve facilement le début de la voie en contournant le névé, il me tend la corde et je le rejoins. Bon. Le plus relou est fait. Le fun commence!
La Dent Blanche et le Cervin s’illuminent, c’est tellement beau. Chaque minute, c’est une autre peinture qui prend forme. Je me demande bien si un jour je cesserai de m’émerveiller face aux levers du jour. Enfin bon, on avance, le rocher est à l’ombre alors on grimpe avec les gants, en corde tendue, et la montée semble efficace. J’aime bien débuter comme ça, tout facilement, ça permet de ne pas se mettre au taquet dès le départ !
On arrive rapidement au Grand Gendarme, et la grimpe devient plus intéressante, avec des désescalades, des passages plus aériens, un rasoir qui je prends à califourchon dans une classe absolue, une ou deux petites enjambées. Il faut toujours faire confiance à ces grosses chaussures de montagne mais le rocher est de très bonne qualité. Parfois, je me retourne pour voir la Dent Blanche qui me domine de toute sa splendeur, franchement, je ne crois pas avoir grimpé dans un cadre aussi exceptionnel.
Le soleil rejoint enfin l’arête et j’enlève mes gants. Il fait bon, pas de vent, une cordée partie du bivouac est plus loin derrière nous, les conditions sont top, le ciel est bleu, on avance… que demander de plus !
Guillaume avance super bien sur cette arête, toujours avec fluidité, si bien qu’on arrive rapidement sous le sommet, qui représente les parties les plus grimpantes. Je l’assure ici, et le rejoins quand la corde se tendue. On arrive à de jolies longueurs en dalle, puis le ressaut sous le sommet se raidit et Guillaume, fidèle à lui-même, choisit les alternatives les plus grimpantes.
Une dernière petite longueur, et 3h après nous être encordés, voilà Guillaume et la croix en vue ! Quelle joie immense!
On est au sommet du Besso. La montée à la cabane, les pieds qui font mal, les ronfleurs de la cabane… tout ça semble bien loin. Aussi loin d’ailleurs que le plat de la Lé, qu’on voit 2000m plus bas. La route est encore longue jusqu’aux vélos… (non mais pourquoi je ne me suis pas mise au parapente, hein, pourquoi?!?).
Les descentes, c’est toujours trop long !
Enfin bon, une chose après l’autre. On mange un truc, on contemple le panorama de zinzin qui s’offre à nous et on apprécie la privatisation du sommet. La cordée de polonais nous rejoint au moment où on entame la descente et nous demande par où descendre, tout étonnée de savoir qu’il y a une voie normale (sic!).
On suit les cairns, je suis d’une fluidité toute relative, Guillaume alterne avec des “mais allez observe je vais pas te dire toutes les 10 secondes par où ça passe” et des “mais mets-toi de face, arrête de te mettre de dos tout le temps, tu seras plus efficace”. Des conseils que je peine, il est vrai, à mettre en pratique…. La voie normale consiste à serpenter dans de vagues sentes un peu expo, des désescalades faciles mais peu protégeables. On avance malgré tout et un coup d’œil en arrière me fait prendre conscience du chemin parcouru, le sommet se dresse fièrement derrière nous.
Les Polonais nous dépassent, on prend notre temps (ou je me traine, choisissez votre version), et on arrive eeeeenfin dans les gradins faciles du départ de la voie, que je désescalade le cul en arrière, le front rutilant de sueur, toujours dans un état de grâce qui me caractérise en montagne.
Sables mouvants
De là, Guillaume et sa lucidité légendaire me propose de continuer à descendre encordée. Je ne comprends pas tout de suite pourquoi, mais dès que je pose le pied, je tilte : le sol s’est réchauffé, c’est assez pentu, on dirait du sable mais avec des cailloux qui dégoulinent de toute part, je déteste ce genre de terrain, mes cuissots sont en feu, mes pieds meurtris, j’en ai marre. Je me vautre, je me relève péniblement, allez encore un effort pour atteindre le petit monticule sur lequel on a laissé un peu de matériel dont mes précieuses chaussures d’approche. Le Graal arrive, Guillaume, qui est quand même le meilleur des maris, porte mes chaussures pour les 2h qu’il me reste à avaler jusqu’aux vélos. De là, quelques coups de pédale jouissifs nous amènent au parking, puis au Rivella et à la bière, qu’on savoure en regardant le Besso, au loin. Et dire qu’on était tout là-haut 6h avant!
Merci Guillaume, de m’avoir dit il y a 15 ans “ça te dirait un 4000 facile?”. Jamais je n’aurais osé espérer pouvoir profiter de si beaux moments en montagne avec toi.
Infos et topo
Besso, arête SW, AD 4b III P3. Topo C2C.
La plus jolie cabane du monde (y monter ne serait-ce que pour manger des röstis et contempler la vue est déjà un beau projet en soi!)
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