Gross Furkahorn – arête ESE
Le Gross Furkahorn et sa superbe arête de granit est une magnifique course à faire à la journée !
Après un hiver fait de sacs trop lourds, de débattues et de cascades de glace, et de plusieurs mois sans récit sur ce blog (feignasse un jour, feignasse toujours…), il est temps de prendre quelques degrés et de partager avec vous une nouvelle aventure du côté du magnifique granit de la Furka.
J’adore ce coin; quand on arrive au col, c’est toujours un émerveillement (peut-être aussi parce que les 2h30 de route sont interminables!). Nous avions été faire le Chili Bilenhorn il y a 2 ans et j’avais totalement croché sur son voisin le Gross Furkahorn, et son arête est effilée et majestueuse. C’est un projet qui est en top position sur notre wish list, mais on a à maintes reprises dû reporter. Là, les étoiles semblent alignées : on a pu caser notre fils, s’arranger pour finir le travail un peu plus tôt et la météo semble tenir jusqu’à 14h environ.
Les approches, c’est toujours trop long
On dort au col dans le van, la nuit est fraîche et j’ai comme toujours un mélange d’excitation et de peur pour la journée qui nous attend. On décolle à 6h du matin, dans le doute j’ai pris “tout l’cheni”, à savoir les crampons, le piolet, la doudoune, la gore-tex et la softshell… Les sacs sont lourds, mais le lever de soleil est dingue et on commence l’approche avec cette promesse de l’aube, qui annonce une belle journée !
Il y a peu de dénivelés mais l’approche nous prend quand même 1h30; on remonte une rivière, puis des pentes de neige qui ne nécessitent pas de sortir nos crampons. Il y a de la distance, mais le paysage est tellement grandiose que ça a le mérite de me changer les idées et de ne pas trop penser à mon souffle court et à mes pieds qui glissent sur ces gros blocs de pierre tout givrés.
On arrive enfin au départ de la voie – à ma grande surprise, on est seuls! On s’encorde et Guillaume part dans la première longueur. Il y a un chamois à 10m qui nous regarde, l’air dubitatif, sans doute à se demander pourquoi ces cons d’humains ont besoin d’une corde. On décide de mettre les chaussons pour avancer plus vite, il y a un risque orageux dès l’après-midi et on ne veut pas trop trainer…
La malédiction du Camelbac
Il arrive rapidement au relais et je le rejoins. En général je galère toujours dans la première longueur, mais celle-ci est parfaite; peu verticale, avec un rocher super adhérent, et bien protégée, c’est vraiment chouette et je suis comme une gamine d’être enfin sur cette arête !
La deuxième longueur est un peu plus raide; ça reste du 4 mais en grosses ça doit être un peu plus sport, parce que ça grimpe bien!
Je rejoins Guillaume au relais, et là c’est le drame : la petite pipette de son Camelbak a disparu et l’eau coule à flot. La corde est trempée mais surtout, Guillaume doit fermer son Camelbak et ne peut plus boire sa flotte… Je lui dis que j’ai mon eau et qu’on pourra partager. Mais je n’ai qu’un litre et demi et je sens que ça va faire court. Enfin bon, on appréciera d’autant plus la bière une fois à la voiture !
Une cordée de 3 est au départ, nous on rejoint l’arête et on commence à évoluer en corde tendue la plupart du temps. On ne voit jamais le sommet ni la suite de l’arête, c’est pas plus mal, ça évite de me flinguer le moral avec tout le chemin qu’il reste à faire. Il fait super bon, pas de vent, pas trop chaud.
Les portions se suivent et ne se ressemblent pas; le rocher est beau et solide, chaque longueur est variée, tantôt en dalle, tantôt en fissure, tantôt en traversée. Même si on reste sur le fil de l’arête, l’équipement est souvent très partial (on peut compléter avec des friends) et l’itinéraire pas si évident que ça. Mais la cordée de 3 est loin derrière donc je me dis qu’on doit quand même pas trop se traîner, finalement!
Il y a quand même 1-2 passages où on n’est pas sûr de l’itinéraire; mais moi je fais une confiance aveugle à Guillaume, il est toujours super bon pour trouver le cheminement, et quand il y a des pas techniques ou engagés, il m’assure et on fait des longueurs.
Sur le fil …
On contourne la tour rouge pour arriver sur une portion super esthétique, une traversée pas difficile mais où il faut faire confiance à l’adhérence des chaussons.
C’est super beau. Je rejoins Guillaume, j’ai envie de prendre des photos toutes les minutes tellement le cadre est surréel.
Les cordelettes, c’est pas fait pour tirer dessus ?
On continue notre progression pour arriver dans les dernières longueurs verticales sous le sommet. La première, certes courte, démarre avec un petit pas de bloc que j’arrive à négocier – dans ma tête je crie victoire un peu trop vite car la suite est bien raide et je suis tellement tendue que je grimpe ça comme une bille, en tirant sur la dégaine et sans aucune classe. En même temps j’ai quand même une réputation à tenir, que serait ma vie de grimpeuse médiocre sans un tirage de dégaine par arête ?
J’arrive au relais, je sens la fatigue puisque ça fait plus de 3h qu’on est sur cette arête, et je vois le sommet au loin, qui me paraît dans une autre galaxie. J’ai envie de tout envoyer valser et d’appeler l’hélico mais Guillaume me dit “allez, on est presque au sommet”. Je lui dis “tu rigoles? On doit aller là-bas?!?” Et il me dit que non, le sommet est juste en-dessus de nous, celui que je montre c’est le Sidelenhorn. Ah bah je préfère ça, décidément moi et la géo…
J’assure Guillaume qui part dans la dernière longueur, et il met un certain temps avant d’arriver au relai. La première partie est facile, mais quand je le vois vaché au sommet, je comprends mieux pourquoi il y a eu un moment de flottement: le sommet est une sorte de pic relativement lisse sur lequel 2 spits et un maillon rapide sont fixés…. ça m’a l’air vachement lisse mais il y a une cordelette qui ne demande qu’à être tirée. Guillaume m’encourage à passer en libre par la paroi nord, mais je suis hyper fatiguée et j’ai pas envie de me bagarrer, car c’est assez aérien et c’est pas ce que je préfère…
Je mets donc de côté à nouveau mon amour propre, tire sur la cordelette, le rejoins, me vache, et on s’équipe pour les rappels !
Les descentes, c’est toujours aussi beaucoup trop long 😉
En bas du rappel, on ne traine pas et on file plus bas à pied à la recherche des cairns qui nous mèneront au prochain rappel. Il y a deux options, deux rappels ou une désescalade et un rappel… Allez savoir pourquoi, on choisit la deuxième option sans trop s’en rendre compte; et on part donc pour le dernier rappel. De là, il faut descendre un peu dans de la graille pour rejoindre la pente de neige. Une pente bien pentue, donc, mais allez savoir pourquoi bis, on décide de ne pas mettre les crampons. La neige est toute molle et si on est pas une brêle comme moi ça passe tout seul. Enfin moi je ne suis pas à l’aise et Guillaume et son âme charitable décident de me mouliner. Ensuite, je sors le piolet et je descends les fesses en arrière avec une grâce toute relative et une vitesse moyennement efficace.
On reste encordés car le terrain est assez abrupte et que je suis bien fatiguée. On est contents de trouver des névés pour épargner les genoux et perdre moins de temps à la descente. A nouveau, des gros blocs de pierre à traverser, un coup d’œil sur la belle arête parcourue, pour se dire que c’était une bien belle journée, sans orage en plus. Crampons, gore-tex et doudoune ne seront finalement pas sortis du sac. Si on a tenu l’horaire et fait 3h30 sur l’arête, la descente nous prend plus de temps, enfin surtout à moi. Mais j’apprécie de pouvoir prendre le temps et d’admirer le paysage.
On arrive au col de la Furka, des touristes me demandent de les prendre en photo (devant des pylônes électriques, pour un effet carte postale garanti), j’arrive au van et j’enlève mes chaussures, je me réjouis déjà de la bière et de la prochaine balade en montagne qu’on fera ensemble avec Guillaume. C’était une belle journée là-haut et je suis contente de voir que la motivation revient. Bref, vivement la suite de la saison!
Ah et… Merci !
J’avais commencé ce blog pour moi il y a une dizaine d’années, un peu comme un album souvenir. Au fil des années, vous êtes de plus en plus nombreux à le lire et à le commenter. Et ça me fait super plaisir ! J’en profite pour vous remercier pour votre fidélité et votre indulgence (face à mon humour parfois un peu naze, et ma régularité toute relative! Promis, j’essaierai d’écrire un peu plus cet été!)
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