Respirer l'odeur du ciel

14 juillet 2013

La cabane est moderne, belles baies vitrées sur le Weissmies, vraies toilettes, il y a même une douche. Il y a des petits doirtoirs et un plus grand, pour une vingtaine de personnes. Bien sûr, on se retrouve dedans…

Le repas est sans surprise (oh, du rôti de porc… ah, de la salade de fruits en boîte…) et à 20h, nous décidons d’aller nous coucher. La course du lendemain est longue et nous devons tenir le rythme, ne pas exploser l’horaire car le petit-dej est servi relativement tard, à 5h, et la dernière télécabine est à 16h45…

Si, pour le Weissmies, nous avons réussi à éviter la foule, j’ai peur du monde qu’il risque d’y avoir pour cette course sur rocher. Les embouteillages sur le rocher, c’est jamais très marrant… Jérôme me dit qu’il n’y aura sans doute personne, malgré la cabane bondée. La plupart des gens devraient aller sur le Weissmies ou au Lagginhorn par les voies normales.

La nuit en dortoir devient vite un sketch ; il y a les italiens qui font comme s’ils étaient seuls au monde, lumières allumées, porte grande ouverte… ah, la joie des cabanes bondées… je me mets des boules quies et j’enfonce mon bonnet sur ma tête pour tenter de me créer ma bulle, mais la nuit est longue et bruyante. Les italiens se réveillent 45 minutes ( !!!) avant le petit-dej. Nous sommes prêts en 10 minutes, nous mangeons nos tartines en 15 minutes et à 5h20 nous débutons la marche d’approche jusqu’au col, qui doit durer 1h environ.

Il fait déjà jour et nous prenons vite de l’altitude. Mes mollets seraient mieux au repos, mais bon, quand faut y aller, faut y aller ! Les couleurs du ciel changent toutes les minutes, quand je me retourne, je vois les 4000 s’éclairer, prendre vie, s’élancer dans le ciel. Tout est calme. C’est sublime.

Nous atteignons le col vers 6h30. La traversée doit durer environ 4-6 heures… nous sommes 3, et pas les plus rapides, mais il faudra pourtant tenir le timing. Chose rare, dès le départ, je me sens à l’aise. Je fais les bons mouvements d’escalade pour m’économiser, on parle de tout et de rien les 3, on avance et plus on monte, plus la vue sur le Weissmies est belle. Par contre, les premières cordées pour le Weissmies sont en vue et comme dit Jérôme, on a l’impression de voir l’ascension de l’Everest il y a 2 ans… c’est un cortège d’une centaine (!!) d’alpinistes, qui avancent telles de petites fourmis vers le sommet.

Nous, nous sommes seuls au monde, et bien mieux ici qu’au Weissmies… brrr ça ne donne pas envie cette voie normale de si bon matin ! L’arête sud du Lagginhorn, plus technique, nous permet d’éviter le bain de foule. Le rocher est vraiment bon, sec, c’est un vrai bonheur. Et pour une fois, je ne souffre pas trop…

La traversée est longue par contre, et il faut toujours être très concentré. Ça monte, ça descend, on fait également un rappel, et on avance lentement mais sûrement.

Le sommet et sa croix sont en vue… plus que quelques mètres. Mon moment préféré, celui où on sait qu’on y est presque ! Nous sommes seuls au sommet ; ceux qui ont fait la voie normale sont déjà en train de redescendre.

Nous entamons la descente avec les crampons, par la voie normale, avec une première partie assez raide, mais avec cette neige, on descend vite et on s’économise. Puis nous arrivons sur de gros cailloux qu’il faut désescalader, ah la la j’aime pas ça, mes genoux non plus, et je commence à sentir la fatigue… Guillaume aussi, il se retrouve sur les fesses après avoir glissé sur la neige. Mais bon, on va pas bivouaquer là, alors on se fait violence et on avance.

Le but du jour est d’aller à la station intermédiaire du téléphérique. On traverse de nouveau un passage de neige, et là on se désencorde et on part sur les fesses. Du bob mais sans bob, j’adore ! Guillaume est devant et me sculpte un joli toboggan, ça va tout seul ! Si seulement toute la descente était comme ça…

Après le pierrier, il y a les premières herbes et fleurs. La vie reprend son droit et l’altimètre descend lentement… Nous croisons, à hauteur de la weissmieshütte, des bouquetins magnifiques. Et même des bébés bouquetins. Sur le moment, j’envisage l’adoption.

Adopter un bébé bouquetin ce serait pas mal, que je me dis. Parce que c’est vraiment chou. Et à à peine quelques mois, bien plus agile que moi. Je pourrais le sortir de mon sac, dans les passages escarpés, lui mettre une petite laisse et il me guiderait. Bon ok, je divague et suis restée trop longtemps en altitude.

Finalement, nous arrivons à la station intermédiaire à 15h40, dans les temps donc ! Nous buvons un rivella (le bonheur total) et regardant les sommets gravis en 2 jours et le chemin parcouru. Et y a pas à dire. La vie est belle et généreuse de nous offrir tout ça…