Petite Dent de Vesivi – Traversée des arêtes
S’il y a bien un coin dont je ne me lasse pas, c’est le Val d’Hérens. Une vallée sauvage (si on fait abstraction des influenceuses qui se prennent en selfie au Lac Bleu), avec – il faut l’avouer – les plus belles montagnes, dont la Dent Blanche, qui me fait à chaque fois l’effet wow. On en a fait, des jolies courses par ici, notamment Tsalion ou les Aiguilles rouges. Et il y a une course qui nous trottait dans la tête, à Guillaume et moi, depuis un bon moment: la petite Dent de Vesivi et sa jolie arête.
Je trouve les Dents de Vesivi super esthétiques, je les avais d’ailleurs peintes en aquarelle cet hiver et je m’étais dit : un jour, j’irai là-haut. Alors clairement, c’était pas gagné, parce que les 1200m d’approche m’avait refroidie. Autant j’aime les balades, mais alors les approches pour une course d’alpinisme, ça me gonfle au plus haut point. Et vu mon peu d’entrainement, je savais que j’exploserais l’horaire rien qu’à l’approche.
Mais, boostée par la sublime arête Nord du Weissmies faite il y a 2 semaines, par les prévisions météo qui sont top, et par la perspective d’une bonne bouffe chez Raymonde la veille, je décide d’accepter la suggestion de Guillaume : allons traverser cette belle Dent !
L’interminable approche
Départ donc en fin de journée, pour un arrêt obligé au Vieux Mazot, comprenant des raclettes au feu de bois en entrée, du filet d’agneau et une bonne bouteille de rouge. Un repas diététique hautement recommandé la veille d’une course d’arête, évidemment. On dort dans le van, et un rapide rétroplanning nous fait mettre le réveil à 4h30. Autant vous dire que quand le réveil sonne, c’est toujours le même mantra “mais putain pourquoi je m’inflige ça?!? Quelle idée de faire de l’alpinisme!”
Il fait nuit noir, je fais un effort surhumain pour m’extraire de mon duvet chaud et me préparer… On allume les frontales, et on part pour ces fameux 1200m de dénivelés. Autant vous dire que j’ai pas, mais alors pas envie du tout. Le début de l’approche se passe dans une forêt remplie de rhododendrons, on a l’impression d’être dans la jungle, manque que la machette. On arrive aux chalets de Tsarmine, je sais que la route est encore longue; le jour se dévoile, les montagnes derrière nous sont en feu et dansent avec les nuages, c’est de toute beauté.
Je continue d’avancer comme je peux, je regarde sur suisse mobile à quelle altitude on est (oui… je n’ai pas d’altimètre), bon allez, on voit le col, il paraît hyper loin mais ça monte efficacement et le sentier est assez visible.
Après plus de 3h15 de montée, on arrive enfin au col. Au soleil. Aaaaaah. La Dent Blanche nous accueille, et les chamois aussi. C’est superbe. Les Vesivi sont baignées de soleil, l’arête est super jolie, j’ai hâte, maintenant que le plus chiant est derrière nous.
Le début des emmerdes
Oui mais voilà. Autant je trouvais mon sac relativement léger à la montée et donc agréable à trimbaler, autant l’angoisse s’empare de moi au moment de filer le matériel à Guillaume… Putain de bordel de merde, j’ai encore fait mon boulet puissance mille et j’ai oublié les friends et les dégaines dans le garage. Je censure ici la suite de l’échange romantique et zen qui s’ensuit. Je me vois déjà redescendre, et je me dis que c’est exclu que je me retape cette montée une autre fois…. Mon rêve de faire cette traversée s’évanouit vite…
Guillaume se pose un peu plus loin, silencieux, et réfléchit. Il revient vers moi et me dit “bon on y va”. Je suis partagée entre le “yeah trop beau!” et le “ah ouais t’es sûr? Heu… tu veux pas plutôt une raclette sur une terrasse?” Car même si la course n’est pas réputée difficile, je sais qu’il y a peu de protections, et je me dis que 2-3 friends ce ne serait pas du luxe. Mais bon, j’avais emporté 4 sangles et des mousquetons, je me dis que ça va le faire. Enfin… j’essaie de m’en convaincre.
Départ donc vers 9h. Entre cette pression de ne pas avoir le matériel, l’expo que ça implique et les premiers pas de grimpe avec mes gants, je ne suis clairement pas au meilleur de ma forme. Je galère un peu, Guillaume me dit de me bouger (c’est d’ailleurs la phrase qu’il me répètera le plus souvent durant toute la course), alors bon je tente de prendre sur moi. Petit à petit, je ne vais pas plus vite, mais je retrouve le plaisir. Le rocher est impec, la vue est magistrale, on est seuls au monde sur cette arête (Merci qui? Merci les 3h d’approche). On arrive rapidement sur la première tour, on voit une cordée qui rejoint le col. On ne perd pas de temps, on continue vers la 2e tour. J’enlève mes gans et retrouve de bonnes sensations. Mais l’altitude, la culpabilité d’avoir oublié le matériel de protection et de nous exposer, ainsi que les 1200m d’approche m’ont bien entamée et je ne suis pas au meilleur de ma forme.
Mais bon, j’avance avec plus ou moins de fluidité et je prends du plaisir, finalement c’est bien là l’essentiel.
Une petite désescalade nous emmène au pied de la 3e tour, le Grand Gendarme.
Elle est impressionnante d’en bas, et je me demande comment, avec nos pauvres sangles, on va pouvoir grimper ça – enfin surtout Guillaume, qui est en tête. D’abord 2 spits me rassurent dans la première longueur. On ne trouvera pas les spits de la seconde, un friend aurait été bien utile… Du coup, c’est bien engagé, y a rien pour protéger, et j’implore notre bonne étoile de nous donner un coup de pouce. Enfin, Guillaume arrive au sommet de cette tour, je le suis, je prends moi aussi cette variante finale pas top, mais bon, on y est et c’est l’essentiel !
De là, un rappel (que j’ai trouvé bien raide et pas super confortable) nous amène vers la 4e tour.
J’ai un coup de mou, la journée est déjà bien entamée, moi qui croyais que c’était une balade, je me rends compte que même si le niveau de grimpe n’est pas difficile, c’est quand même pas si court (j’anticipe déjà l’interminable descente et j’ai bien raison), et de voir cette corde penduler entre nous 2 sans aucun point de protection si souvent, ça m’éprouve beaucoup mentalement.
Mais Guillaume me rassure, il me dit qu’on arrive bientôt au sommet. Alors j’essaie de me concentrer sur la vue de ouf (coucou Cervin!), le fait qu’on ait l’arête pour nous (l’autre cordée est loin loin derrière – faut croire qu’on se traine pas tant que ça) et la température parfaite, sans vent.
La dernière partie pour rejoindre le sommet se compose d’une arête qui devient plus aérienne, et d’une montée facile jusqu’au sommet.
De là, le meilleur moment de la course : le Rivella et la viande séchée sur l’un des plus beaux spots de pique-nique au monde. C’est vraiment majestueux. Je suis heureuse d’être ici au sommet avec Guillaume; il y a encore 3h de ça, au col, c’était clairement pas gagné!
Après une bonne pause, on se décide à descendre. On voit notre van, dans la vallée, qui a la taille d’une fourmi. ça va être long.
La suite des emmerdes et l’interminable descente
La descente se fait en 8 rappels ou en désescalade pour rejoindre un col. On opte pour la désescalade, théoriquement plus rapide, mais c’est sans compter sur ma nullité dans le domaine qui nous ralentit. Pis je trouve pas si simple, cette désescalade, c’est quand même pas ultra facilement protégeable (ou alors je deviens encore plus chiante, c’est une théorie assez pertinente). Au deuxième relais, on décide de ne plus s’embêter et de faire les rappels. Evidemment, on ne regarde pas le topo, on les fait dans l’axe. C’est le début des emmerdes. Lors du 4e rappel, la corde est emmêlée au bout, Guillaume remonte la longueur pour démêler le tout (vous le voyez venir, l’explosage d’horaire?), puis on arrive au relais 7, toujours en suivant le fil, sur des cordelettes qui ne font vraiment, mais alors vraiment pas envie. Mais vu le paquet de cordelettes (7 ou 8), ça doit être le bon relais, qu’on se dit, ou alors on est clairement pas les premiers à se paumer! (Spoiler alert : on était bien perdus. Faut tirer face N… vous voilà prévenus!) Le dernier rappel nous amène là aussi sur un petit tas de cordelettes qui ne fait pas rêver. Rha la la dans quoi on s’est embarqué? Guillaume descend au pied d’un… (je saurais pas dire … une sente à chamois? Un tas de cailloux de merde? bref un truc foireux) et de là, on comprend qu’on est perdu. Par où aller ? Comment rejoindre ce fameux col? La route est encore longue… La déprime me gagne, heureusement, Guillaume prend les choses en main (comme d’hab quoi), on tergiverse, on remonte, on regagne le fil à la recherche d’indices… C’est au prix de grimpettes et de traversées assez expo qu’on arrive enfin à ce fameux col! Amen. Tout ça en ayant perdu une bonne heure sur cette descente. ça nous apprendra à ne pas lire les topos…
De là, on suit d’abord une sente, qu’on paume ensuite (décidément!), on cherche tant bien que mal l’itinéraire (pour changer!) qui nous fait rejoindre le sentier d’accès. On le trouve enfin, on enlève les baudriers, je range les sangles, on s’envoit du Rivella, et on s’arme de courage pour l’interminaaaaaaaaaaable descente. Je me mets un podcast (Les baladeurs – je vous recommande! Celui sur Catherine Destivelle sur l’Eiger. super chouette) pour tuer un peu le temps et me faire oublier que j’ai mal aux pieds. La descente est éprouvante, surtout la dernière partie dans la jungle.
On arrive à la voiture, fatigués (enfin surtout moi), heureux de cette journée en montagne, même si ça n’a pas été aussi zen que ça aurait pu l’être. Enfin bon, maintenant on peut se la péter, et clamer que les friends et les dégaines, finalement, c’est surfait. (ouais ouais).
Alors merci Guillaume de traîner le boulet que je suis, merci les montagnes de m’accepter, parce que vous devez vraiment vous demander ce que je fous là quand je désescalade vos rochers sur le fesses, merci la Dent Blanche de nous avoir accompagnés tout au long de cette traversée, merci Rivella qui ne me sponsorise toujours pas, merci au Val d’Hérens de regorger de coins de paradis. Merci la vie, de me permettre de vivre ces moments hors du temps, joie au sommet et paumage dans les rappels compris !
Infos et topo
Petite Dent de Vesivi en traversée : cotations AD 4b II P2
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