Rocher plat – les pieds dans le plat
Je ne sais pas comment fait Guillaume, mais c’est le roi pour trouver des idées de courses dont je n’avais jamais entendu parler.
Il me partage son idée de course, qui se situe du côté de Rougemont: le Rocher plat. Jamais entendu parlé. Bon, le nom ne m’inspire pas des masses (déjà: ça se grimpe un truc plat?), mais j’adore la région de l’Etivaz, et c’est une course qui a l’air vraiment très peu fréquentée et qui se fait à la journée, alors je dis FEU GAZ.
La veille, on part refaire l’arête Zucchero au Pain de Sucre, du côté du St-Bernard. Sympa d’y retourner 6 ans après (et de voir que si je suis toujours aussi mauvaise en grimpe et en approche, je décompense un peu moins dans le petit mouvement sous le sommet – celles et ceux qui ont fait cette course reconnaîtront le passage!)
On dort du côté de Rougemont, et il pleut la nuit… je me blottis sous mon duvet en me disant que demain, ce sera grasse matinée. Le matin, on snooze autant qu’on peut – pas du tout envie de se lever, et en plus de la pluie est annoncée à 10h. Bon, on réserve une table au Valrose? Guillaume est plus obtus que moi et propose qu’on se bouge quand même. Au pire, s’il pleut, on montera à pied à la Videmanette.
On prépare nos sacs, le soleil est à nouveau de la partie, et on file se parquer à Martigny (pas le bled valaisan hein, juste un petit chalet sur les hauteurs de Rougemont qui nous permet d’économiser un peu de dénivelé!). Rien qu’au départ, c’est de toute beauté. Mais quelle région splendide. Il faut que je vienne plus souvent par ici. On commence à marcher… L’humidité et la canicule me font me transformer en éponge dégoulinante après 10 minutes de marche. Je sens que ça va être long, cette approche…
Heureusement que le cadre est splendide, ça me fait presque oublier ma souffrance – mais qu’est-ce que je déteste les approches, moi! Évidemment Guillaume est déjà bien loin. Le chemin a le mérite de monter régulièrement jusqu’à un replat. Les montagnes se dressent devant nous, dont le Rocher plat, pas si plat que ça d’ailleurs, et son beau pilier qu’on va parcourir. Mais on n’y est pas, il y a encore de la distance… On remonte la combe, puis on traverse dans des éboulis avec une sente pas trop mal marquée. ça monte…
On arrive enfin au col sans nom, que j’aurais volontiers rebaptisé “le-col-pète-mollets”. Je ne suis que sueur. Non mais des choses pareilles. Je crois naïvement qu’on y est presque, mais il faut encore marcher un bon bout pour arriver au pied du pilier… Je ne suis pas du tout à l’aise dans ce terrain – c’est pas dur mais bon, faut pas tomber…. du coup je demande à Guillaume de m’encorder, et on arrive eeeeenfin à la base de ce fameux pilier, après 1h45 de marche (en ressenti : 5h de marche). On s’est pas paumé à l’approche et on tombe direct sur le départ de la voie : champagne ! (ça n’arrive pas souvent).
On est évidemment seuls et on le sera durant toute la course. Et ça, c’est un luxe, surtout en cet été caniculaire où les courses sur rocher sont vite prises d’assaut. On s’encorde et Guillaume attaque la première longueur. Il y en a 7 en tout, dans le 4. Moi je mets les chaussons, lui évidemment fera tout en grosses.
Il y a un petit pas au début qui le prend à froid, il me demande de faire bien attention en l’assurant. Ensuite il disparaît de l’autre côté du pilier et la corde déroule rapidement – j’imagine que la suite est plus simple. A mon tour. Effectivement, ce petit pas qui me fait basculer de l’autre côté du pilier n’est pas évident, mais contre toute attente j’y vais sans trop me poser de question et ça passe. Je me dis que si c’est 7 longueurs comme ça, on est pas au bout… Mais heureusement, comme je l’avais imaginé, la suite déroule bien. Le rocher est bon malgré quelques gravillons, il me fait penser à celui du Miroir de l’Argentine. Comble du luxe, la vue est splendide, un panorama à 360 degrés. Et seuls au monde, un samedi de juillet. Que demander de plus? Je rejoins Guillaume au relais, il part aussitôt pour la deuxième longueur.
Dans la deuxième longueur, après le premier spit, il y a un ressaut avec peu de prises pour le rétablo et Guillaume s’exclame : “et merde ! il n’y a plus le goujon”. Il bricole une petite sangle sur la vis; je ne suis pas sûre de son efficacité mais je crois que c’est plus un réconfort psychologique. Il ne perd pas ses moyens et passe ce ressaut – le prochain spit est à plusieurs mètres et j’essaie de ne pas m’imaginer ce qui pourrait arriver s’il chutait…
Heureusement, il arrive au relais sans souci et je lui emboîte le pas. Sans ce spit, le pas est effectivement plus dur (parce que oui, impossible de tirer sur une dégaine…) et je ne sais pas comment il a osé le passer ! Moi je le passe sans aucune classe et je suis bien contente que Guillaume me tracte un peu (oui, j’ai laisse de côté ma fierté, en même temps que l’idée d’avoir des habits secs, au départ de la voiture).
La 3e longueur est fourbe; il ne faut pas continuer tout droit mais bien redescendre à droite, et je ne trouve pas si facile cette traversée, mais je m’accroche (à la dégaine) et ça passe. Guillaume me dit qu’il faut qu’on garde le rythme, il y a des nuages gris qui arrivent et ce serait bien d’éviter la pluie sur ces dalles… A la longueur suivante, il se fait insistant : “Avance Elise*, faut vraiment qu’on bouge”. (*il faut savoir que quand Guillaume m’appelle par mon prénom c’est soit un synonyme de “connasse” ou de “boulet”. Ici j’opterais pour la deuxième option mais vous êtes libres dans l’interprétation). Je commence à avoir vraiment peur, c’est vrai que les nuages sont proches, et j’ai pas du tout mais alors pas du tout envie de me retrouver au milieu d’un orage sur ce pilier.
Rha la la mais quelle idée d’être venus ici avec cette météo… Je débranche le cerveau et j’avance aussi vite que je peux – je tire sur les dégaines, je bourre, j’arrive haletante aux relais, je file direct le matos à Guillaume et l’assure, bref, mode pilote automatique ON, faut qu’on bourre. A la longueur suivante, qui est une belle dalle, je mets une dégaine et un friend sur la corde pour gagner du temps – mauvaise idée : un mouvement de corde brusque et hop, je me les prends tout près de l’œil… Les perspectives sont réjouissantes : être borgne OU foudroyée? Plus de peur que de mal, j’ai juste une balafre sur ma joue. Je redouble d’effort pour qu’on arrive vite au sommet…
Au 6e relais, Guillaume me dit qu’il nous reste une longueur (moi je croyais depuis le début qu’il y en avait 8…), et que les nuages s’éloignent, que ça va le faire. Je suis un peu rassurée mais je ne traîne pas pour autant. La dernière longueur est sur dalle, super jolie, avec un ressaut final plus raide. Guillaume prend tout droit sur la dalle et quand mon tour vient, je prends la fissure sur la droite, ça passe bien.
On se retrouve au sommet du pilier, il y a à ce moment-là quelques gouttes qui tombent – bon timing ! On a mis 2h30 pour gravir ces 7 longueurs, une demi-heure de moins que l’horaire dans le topo… Ah ben il me semblait bien qu’on n’avait pas traîné !
Je vois le cairn du sommet principal, et j’appréhende la petite traversée d’arête car j’avais lu qu’il y avait deux désescalades, dont une exposée. Il fait quand même bien sombre, je ne suis pas rassurée par ces nuages et je préfère qu’on avance vite. C’est pas très dur, et je vois rapidement la petite désescalade exposée, puisqu’il y a une dalle peu commode qui nous empêche de voir où poser les pieds. Je vais devant, j’essaie d’analyser un peu où mettre mon pied et ça passe, amen ! Guillaume me rejoint après que j’ai fait des anneaux sur un rocher pour l’assurer, et on continue jusqu’au sommet.
On y est ! Sans avoir été foudroyés, youpi. De là, on voit les randonneurs qui ont pris les installations et se baladent au loin. Quel contraste avec la solitude et l’ambiance de ce pilier.
On ne tarde pas sur ce sommet; il est temps de redescendre, après une petite gorgée de Rivella qui me réconcilie aussitôt avec la vie. On descend le sentier du versant sud est, puis on embraille la descente jusqu’à Martigny. Il y a un panneau avec un triangle de panne dans cette direction, j’imagine que la descente ne va pas être si facile. En fait, c’est assez raide mais il y a un câble alors ça va plutôt bien. On a même la chance de croiser 3 bouquetins qui doivent se demander pourquoi on a besoin de câbles pour descendre dans ce genre de terrain. Comme le sentier est “technique”, on ne croise personne d’autre. Ils sont trop beaux ces petits bouquetins et je prends le temps de les contempler.
On arrive à la voiture vers 16h, en ayant pris notre temps sur la descente (enfin, surtout moi). Je regarde derrière moi la course du jour, je suis fière d’y être parvenu sans (trop) râler, au vu des conditions météo. C’était pas gagné, et pourtant c’était une superbe journée. On se boit une petite bière à Rougemont avant de rentrer chercher le fiston.
Au final, j’ai beaucoup aimé cette course. La grimpe y est bonne, très peu parcourue (tant mieux, parce qu’il y a quand même 1-2 petits cailloux qui peuvent tomber et on est toujours mieux s’il n’y a personne en-dessous), le cadre vraiment sublime, sauvage. Comme quoi, y a pas que le Valais 😉
Merci Guillaume, 10 ans qu’on crapahute la montagne ensemble, et même si je râle, j’aime toujours autant ça à tes côtés.
Infos et topo
Les Pieds dans le Plat – AD 4c>4b II P1
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